Présentation de Copyleft Attitude et de la Licence Art Libre. De la distinction entre l'objet d'art et l'objet de l'art, du net-art et de l'art du net. (Pour une pratique du réseau en intelligence avec ses acteurs. Rien n'a lieu que le lieu et je est un autre).
Tout d'abord je tiens à vous prévenir : mon exposé est imparfait. Il est pour bonne part à l'imparfait, mais parle du présent. Il est aussi imparfait. Pas tant que cette imperfection m'échappa lorsque je l'ai préparé, mais que je l'ai voulu telle, sachant que c'était dans les failles qu'on peut trouver ce qui fait ouverture. Ne pas s'en tenir uniquement au cadre du discours permet d'aborder réellement le sujet envisagé puisqu'un « je » parle à d'autres. Aussi ce que je vais dire n'est pas définitif et encore moins fini. Je compte bien sur vous pour être les écouteurs attentifs qui allez faire véritablement ce que je vais dire. Autrement dit et comme a pu le constater il y a très longtemps Lao-Tseu : tout va se faire sans que j'en sois l'auteur.
Je vais faire une présentation rapide de Copyleft Attitude (est-ce un mouvement artistique , une communauté d'individus et pas simplement artistes rassemblés par les mêmes préoccupations, une association informelle ? A vrai dire je ne le sais pas très bien et la question se pose tout le temps). Et je vais aussi vous parler de la Licence Art Libre qui est l'outil de Copyleft Attitude.
Car il y a bien un art qui est à l'œuvre dans le cyber-espace. Sans doute est-il créé par ceux qui le pratiquent : les post-artistes du réseau. Cet espace prend corps, c'est même la naissance d'un corps nouveau. Extension du corps physique, mais aussi politique, économique et culturel. Pour définir sa politique et son art ce corps a balbutié des codes précis : ce sont les standards du W3C, l'éthique hacker des informaticiens du logiciel libre et en règle générale, une maîtrise plutôt virtuose de l'échange, de la confiance et de la bonne humeur. Bien que non-informaticien et n'utilisant pas encore de logiciels libres, je rentrai en contact avec ses acteurs et comprenais que l'œuvre n'était pas dans tant la réalisation d'objets se voulant d'art que dans la pratique du réseau en intelligence avec son économie propre. Autrement dit, c'est l'internet qui est l'œuvre et ses utilisateurs peuvent être qualifiés de post-artistes. Je participais à une install-party organisée par le LUG (groupement d'utilisateur de Linux) Parinux et mettais Linux dans mon macintosh. Je transposais, avec son autorisation, le texte d'Eric Raymond, un des principaux acteurs du logiciel libre, « How to be a hacker ? » en « Comment devenir un artiste ? » car à la lecture de ce texte, le parallèle entre ce qui fait un hacker et un artiste m'était paru flagrant. En effet, l'un et l'autre partagent le même esprit de recherche fondamentale, de liberté inconditionnelle mais néanmoins précise, disciplinée et délimitée, d'insoumission à la culture dominante et d'inventivité aventureuse.
Je vais vous lire un bref extrait de « comment de venir un artiste ? » (ce texte est en partie sérieux et en partie volontairement décalé, pas toujours juste dans ce qu'il énonce. Il est perfectible, c'est à ce jour la version 2, je pense en faire une 3ème prochainement, à moins que quelqu'un de plus adroit que moi n'en fasse une version plus stable ) : Si vous faites partie de cette culture, si vous y avez contribué et si d'autres personnes qui en font partie savent qui vous êtes et vous considèrent comme un artiste, alors vous êtes un artiste. L'état d'esprit d'un artiste ne se réduit pas à cette culture des artistes de l'art. Il y a des gens qui appliquent l'attitude de l'artiste à d'autres domaines, comme l'électronique ou la musique. En fait, on trouve cet esprit à l'état le plus avancé dans n'importe quel domaine de la science ou des arts. Les artistes des arts reconnaissent cette similitude d'esprit, et certains affirment que la nature même de l'artiste est indépendante du domaine particulier auquel l'artiste se consacre réellement. Mais dans la suite de ce document, nous nous concentrerons sur les aptitudes et les attitudes des artistes de l'art et sur les traditions de la culture partagée qui a créé le terme "artiste". Nota Bene : il y a un autre groupe de personnes qui s'autoproclament des "artistes", mais qui n'en sont pas. Ces gens (principalement des adolescents de sexe masculin) prennent leur pied en s'introduisant à répétition dans les galeries d'art et en vendant leur travail. Les vrais artistes appellent ces gens des "artisans" et ne veulent rien avoir à faire avec eux. Les vrais artistes pensent que les artisans sont des gens paresseux, irresponsables, et pas très brillants. Malheureusement, de nombreux journalistes se sont laissés abuser et utilisent le mot "artiste" quand ils devraient utiliser le mot "artisan". Cela ne lasse pas d'irriter les vrais artistes. Vous trouverez l'intégralité de ce document sur le site de la bibliothèque du Libre qui abrite également le livre « Libres enfants du savoir numérique » auquel j'ai participé de façon invisible et illisible, mais bien réelle et sur Agora, l'encyclopédie en ligne canadienne qui a utilisé « Comment devenir un artiste ? » pour servir de définition au mot « artiste » pendant un moment avant qu'un nouveau responsable éditorial ne l'enlève.
Il existe donc un lien patent entre les hackers et les artistes. Ces hackers on les trouve du côté des informaticiens qui utilisent et créent des logiciels libres. En janvier et mars 2000, après avoir saisi le rapport entre l'art informatique et la pratique artistique conventionnelle, j'organise avec d'autres artistes rassemblés autour de la revue Allotopie, 2 rencontres de 3 jours entre le monde du Libre (informaticiens, juristes, acteurs de l'internet citoyen) et le monde de l'art. Nommées Copyleft Attitude, elles ont lieu à Paris à Accès-Local et à Public. Il y a eu des débats, des prises de contacts et des ateliers pour amorcer ce qui aujourd'hui ne cesse de s'amplifier et de s'affirmer. Ces deux mondes ont pris conscience de la dimension culturelle qui les unissait et le rapport qui pouvait y avoir entre eux. Avec, je dois le dire, pas mal d'interrogation et de surprises de part et d'autres. L'un et l'autre ignorant tout, à ce moment-là, de l'un et de l'autre.
Un premier pas était fait, l'autre allait être de, non pas benoîtement créer des œuvres se voulant libres rien qu'avec des bons sentiments (libre de droits, no copyright comme les situationnistes l'ont fait platement avec leur revue Potlatch), mais de mettre au point l'outil qui allait permettre de créer librement. On n'a la paix qu'on mérite qu'avec les armes qu'on se donne.
Je vous lis un extrait du préambule :
Loin d'ignorer les droits de l'auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des oeuvres d'art. En effet, avec la venue du numérique, l'invention de l'internet et des logiciels libres, un nouveau mode de création et de production est apparu. Il est aussi l'amplification de ce qui a été expérimenté par nombre d'artistes contemporains.
Le savoir et la création sont des ressources qui doivent demeurer libres pour être encore véritablement du savoir et de la création. C'est à dire rester une recherche fondamentale qui ne soit pas directement liée à une application concrète. Créer c'est découvrir l'inconnu, c'est inventer le réel avant tout souci de réalisme. La Licence Art Libre s'adresse à tous types d'oeuvres: numériques ou non, musicales, plastiques, textuelles, etc. et l'objet d'art n'est pas seulement un objet fini, c'est aussi une matière première pour réaliser d'autres objets. Le fait d'avoir formalisé juridiquement et conceptuellement ce qui coule de source avec le net (la copie, la diffusion, la transformation) permet de le rendre réel. Il n'y a pas de réalité sans mise en forme. Sans Licence Art Libre, ce qui est créé est toujours sous le régime classique du droit d'auteur. Avec ce contrat copyleft, ce qui est créé appartient à tous et à chacun. Les droits sont cédés de façon précise avec cette interdiction fondamentale : avoir emprise propriétaire définitive sur l'œuvre.
Finalement ce qui est à l'œuvre, comme toujours, c'est la question même de la forme. Ce n'est pas tant la question du net-art, de l'art sur le net ou de l'art avec le net que celle de l'art du net, la forme que va prendre la pratique du net. Celle-ci peut certainement être qualifiée de post-artistique. L'art est considéré alors comme la pratique, en grande forme, de toutes les pratiques, de la même façon que le net est le réseau, en grande forme, de tous les réseaux. |
"Présentation de Copyleft Attitude et de la Licence Art Libre. De la distinction entre l'objet d'art et l'objet de l'art, du net-art et de l'art du net. (Pour une pratique du réseau en intelligence avec ses acteurs. Rien n'a lieu que le lieu et je est un autre)."
Conférence donnée lors du Colloque au CRAC de Valence : Le Net art : circulation, diffusion, conservation. |